Belle comme une brésilienne à Marseille
Comme vous le savez peut être, en plus de ce blog, j'écris également des articles pour le média en ligne MyLittleBrasil. Il y a quelques semaines, j'ai interviewé, pour MyLittleBrasil, Corinne Revillon, créatrice d'un concept store 100% Brésil à Marseille, Doce de Limão. Le lien vers l'article est ici. Je vous propose de retrouver ci-dessous l'interview dans son intégralité.
Belle comme une brésilienne à Marseille
Doce de Limão, c'est un petit bout du Brésil à Marseille et c'est une invitation à la détente et au dépaysement. Ce concept store “100% Brésil” créé par Corinne Revillon en 2009, propose une gamme de soins esthétiques, avec une spécialisation sur la manucure et la pédicure, avec des méthodes brésiliennes. La fondatrice de ce concept store revient pour My Little Brasil sur la création de son entreprise et sa passion pour la beauté brésilienne.
Corinne, présentez-vous et dites nous comment a débuté l'aventure Doce de Limão?
Je suis Corinne Revillon, j'ai 47 ans, j'ai fais des études de gestion en entreprise et j'ai été directrice des ressources humaines pendant 20 ans chez Axa, Veolia et j'ai aussi fait du consulting. Et puis, peut être la crise de la quarantaine, et surtout un gros drame familial, m'ont beaucoup fait réfléchir sur la vie et j'ai décidé de changer d'orientation professionnelle. Avant ça, j'ai pris deux années sabbatiques au cours desquelles j'ai été rendre visite à une amie qui vivait au Brésil, pays dont je suis tombée amoureuse. J'ai commencé par acheter un petit studio à Rio et puis à chaque fois que j'allais au Brésil, je ramenais des tongs, des maillots pour les copines et les gens appréciaient beaucoup ce qui venait de là bas. Mais ce qui m'a le plus plu, c'est le domaine de la manucure au Brésil. On trouve une qualité de travail qu'on ne trouve pas en France où c'est considéré comme « le parent pauvre » de l'esthétique. Au Brésil c'est un vrai métier, reconnu, pour lequel les filles sont formées pendant une année où elles apprennent beaucoup de chose sur l'hygiène, les maladies liées aux ongles... A l'époque où j'ai créé le salon, en 2009, il y avait des bars à ongle partout, à New York, à Londres et en France il n'y en avait pas un. Je comprenais pas pourquoi on avait pas ça. Donc l'idée est venue de créer un bar à ongle avec la méthode brésilienne à Marseille. J'étais sur que ça allait cartonner. Et puis à côté j'ai tout de suite eu envie d'y associer la mode, de vendre des petits accessoires, des porte clés, des maillots de bain.
En quoi consiste le concept store Doce de Limão, que proposez-vous et quelle est la particularité des produits proposés?
Sur la manucure et la pédicure, le process se différencie sur différents points de la manière de faire française:
1/ L'hygiène: avec l'expérience que les brésiliens ont dans le domaine, ils ont expérimenté tous les cas de figure possible en matière d'hygiène. Ils n'utilisent plus d'eau pour faire baigner les pieds et les mains. Ils ont remplacé l'eau par des gants et des chaussettes remplis de crème multi-action dans lesquelles la cliente glisse ses mains et ses pieds pendant 5 minutes. C'est non seulement plus hygiénique mais ça permet une hydratation intense. Tous les outils en métaux sont stérilisés dans des autoclaves médicaux et le matériel comme les limes sont à usage unique.
2/ Les cuticules: En France, et c'est bien un des seuls pays dans le monde, on ne coupe pas les cuticules et c'est pourtant ça qui, en poussant, fais décoller le vernis et donc les manucures ne tiennent pas. Après avoir enlevé les cuticules, le vernis est badigeonné sur l'ongle et autour de l'ongle puis le surplus de vernis est enlevé ce qui fait que la pose est impeccable et comme les peaux mortes ont été enlevées, la manucure a une tenue de 10 jours.
3/ Des produits innovants: On propose les produits de la marque Balbpharm qui ont inventé ces gants et ces chaussettes et les produits « Ivo Pitanguy ». Ivo Pitanguy est l'un des chirurgiens esthétiques brésilien les plus connus, le « père de la chirurgie esthétique moderne » !
Les étapes de la manucure brésilienne chez Doce de Limão. (Photos: Doce de Limão)
Et puis, on essaye de garder cet esprit brésilien, de proposer des produits brésiliens car en matière de beauté ils sont quand même très en avance. Et de proposer un accueil « à la brésilienne », c'est à dire avec le sourire, très sympathique pour offrir un moment de dépaysement à nos clientes.
D'ou vient votre intérêt pour la mode et la beauté brésilienne?
C'est une découverte, c'est une mode mignonne, gaie, c'est pas de la haute couture, c'est du PAP mais les femmes au Brésil elles ont toujours « un petit truc féminin », vous ne verrez jamais une brésilienne sans boucles d'oreille, le petit haut avec la dentelle, la petite transparence, elles sont très très féminines. Du coup leur mode est même temps très cool, très confortable car c'est un pays où il fait chaud, donc on ne peut pas se permettre d'être engoncé dans des vêtements qui collent, qui grattent... et en même temps c'est très mignon, très frais. C'est tout un univers très coloré et à Marseille ça fait du sens car on est dans une ville ensoleillée, au bord de la mer, avec un mode de vie assez proche de ce que l'on peut trouver au Brésil, même si Marseille c'est pas Rio...
Les maillots de bain proposés chez Doce de Limão. (Photo: Brasil Touch)
Quel est votre type de clientèle et que recherchent-elles en entrant chez Doce de Limão?
On a une clientèle composée principalement de femmes entre 30 et 50 ans, en plein boom de leur vie active. Ce sont des femmes qui travaillent, qui ont des enfants, qui ont un boulot prenant, toujours un peu pressées mais qui prennent soin d'elles et qui ont des métiers où l'image compte. On a beaucoup d'avocates, des médecins, des notaires, des femmes qui travaillent dans la finance. Elles recherchent la qualité et c'est ce qu'elle trouvent ici et la disponibilité et l'efficacité car elles ont 40 minutes entre 2 rendez-vous, elles en profitent pour faire une manucure et se détendre en même temps. Le samedi c'est une clientèle différente, de passage.
Quel est le panier moyen?
Sur la manucure, c'est en général autour de 30€. Par contre sur la mode, c'est une sélection assez haut de gamme, donc là le panier moyen se situe plus autour de 200-250€.
Quel a été l'investissement financier pour la création de ce salon? Et comment avez-vous fait face à cet investissement?
Ca a été un investissement lourd, très lourd, parce qu'il y avait énormément de choses à mettre en place, notamment pour l'importation des produits. On a vraiment une réglementation en France qui est insupportable. Il a fallut acheter un fond de commerce, faire des travaux, il a fallut former des filles à la manucure brésilienne. Aujourd'hui, j'ai la chance d'avoir 3 ou 4 brésiliennes dans le salon, ce qui est un pur hasard, mais au début j'ai dû faire venir une formatrice brésilienne de Curitiba. Et là, on s'es heurté à une difficulté que j'avais pas vu venir, c'est que ça a été très long de les former à leur métier. On met 6 mois aujourd'hui pour former une française même une esthéticienne expérimentée. Toutes les filles qu'on a formé me disait au bout de 15 jours « j'y arriverai pas ».
Comment vous expliquez ça?
Parce que c'est très dur, parce qu'apprendre à couper les cuticules sans blesser la cliente, il faut vraiment s'entraîner, parce qu'elles ont des habitudes de travail plutôt mauvaises. On doit tout reprendre. Donc l'investissement humain au départ a été phénoménal. Ce qui a aboutit un investissement au départ de presque 1 million d'euros. J'ai eu la chance de pouvoir m'autofinancer parce que ce drame familial dont je vous parlais au début a eu le bénéfice de me laisser un héritage. Ainsi je n'ai pas eu affaire aux banques et j'en suis bien ravie parce que, objectivement, aujourd'hui, personne ne m'aurait suivi et s'ils m'avaient suivi c'était dans des conditions qui ne me plaisaient pas.
Combien avez vous de salariés et comment les recrutez-vous?
Au départ j'ai fais venir cette formatrice brésilienne qui avait pour mission de former des françaises, mission qui s'est révélée difficile. On a perdu en route des jeunes filles qui n'ont pas suivi. On a eu de la chance que cette brésilienne soit restée plus longtemps que prévu. Et là, au niveau des démarches administratives pour la faire rester, je me suis heurtée à l'administration la plus absurde du monde. J'avais beau leur expliquer que la présence de cette fille allait créer des emplois, ça a été un enfer. Il a fallut que je la nomme co-gérante pour qu'ils cèdent car là elle avait un statut de commerçante. On s'est battue pendant des mois, ça m'a coûté très cher. En France elle a rencontré des brésiliennes qui vivaient déjà en France et qu'on recruté. Aujourd'hui on a 4 ou 5 brésiliennes qui ont un vrai rôle de tuteur vis à vis des françaises. On a au total 10 salariés.
A votre avis quelles sont les différences entre les brésiliennes et les françaises dans le monde de la beauté?
Les brésiliennes sont très attachées à leur apparence, elles sont très soignées. Au Brésil, les femmes accordent peu d'importance au maquillage, par contre, des beaux cheveux, des beaux ongles et une épilation impeccable, c'est hyper important. Elles dépensent beaucoup d'argent et beaucoup d'énergie dans la beauté. En France, à cause des charges salariales, le coût des soins est lourd ce qui empêche de faire de la beauté quelque chose de très populaire. La femme du fin fond de la favela aura toujours des beaux ongles et des beaux cheveux. Au Brésil aussi les prix ont énormément augmenté en 15 ans et les salaires ne suivent pas, mais malgré les difficultés, elle ne renonceront pas à se faire belle, à la différence des françaises. Et puis les brésiliennes, elles ne sont pas plus belles que les autres, mais elles ont cette confiance en elles qui les rendent belles. En France, on est trop complexé.
Comment expliquer cet engouement pour la beauté brésilienne en France?
Parce qu'ils sont fort: la chirurgie esthétique est de très haute qualité, les produits sont bons, les produits pour les cheveux sont extraordinaires, ils ont une recherche importante et font de gros investissements. Dans ce pays la beauté a ses lettres de noblesse. L'image est très importante pour les brésiliens. Le marché intérieur est énorme, à Sao Paulo c'est plus de 500 000 manucures qui se font chaque jour. Et cette qualité commence à se faire connaître de plus en plus à l'étranger.
Vous proposez également des marques brésiliennes de prêt-à-porter. Comment choisissez-vous les créateurs?
J'avais 2 ou 3 marques fétiches que j'appréciais particulièrement et avec qui j'ai commencé travailler comme Animale, Cantao, et Juliana Jabour mais cette dernière marque est plus « créateur » par rapport aux autres plus prêt-à-porter. C'est une marque en laquelle je crois beaucoup mais qu'on a beaucoup de mal à implanter. Les françaises, et particulièrement les marseillaises, ont du mal avec ce côté « hyper-créateur ».
Collection de créateurs proposée par Doce de Limão. (Photo: Brasil Touch)
Et puis je vais aux Fashion Week de Sao Paulo et de Rio qui deviennent chaque année de mieux en mieux, ils ont fait de gros efforts pour atteindre cette 5ème place mondiale de la mode. J'achète quelques pièces, je vois comment les clientes réagissent, j'achète plus si ça marche.
On connaît bien à My Little Brasil, les difficultés et surtout le coût de l'exportation de la France vers le Brésil. Qu'en est-il de l'importation de produits brésiliens en France?
Bizarrement, la France n'a pas encore rendu la monnaie de sa pièce au Brésil. Les taxes sont les mêmes que pour les autres pays d'Amérique Latine. C'est pas donné, mais c'est pas 100%. En ce qui me concerne, transport et taxes je m'en tire à 25% de plus que le prix brésilien. C'est quand même beaucoup , plus la TVA, on arrive à des prix assez chers mais bon ça va encore! Il ne faudrait as que ca change trop quand même!
Comment les françaises réagissent-elles à la mode brésilienne?
Au début j'ai cru qu'on allait dans le mur avec le prêt-à-porter. Les clientes s'attendaient à des produits bas de gamme et pas cher. Il y a ça aussi au Brésil, le maillot de bain pas cher, mais c'est pas ce créneau que j'ai choisi. Cela a été la première difficulté, il a fallut vendre le fait que certaines robes peuvent être à 350€, oui, c'est cher, mais parce que c'est de la qualité. Et surtout que les femmes qui s'habillent chez nous auront des choses que personne n'aura. Et ça commence un peu à se savoir sur Marseille. Plus les gens auront l'image d'un pays développé, d'un pays où il y a des gens riches qui achètent des produits chers, plus ils accepteront les prix. En plus à Marseille, ils sont un peu en décalage avec Paris et je sais que la collection de la saison hiver 2013 par exemple, je la vendrai peut être mieux en hiver 2014.
Comment expliquez vous cette faible présence des marques brésiliennes en France?
Je crois qu'il n'y croient pas. Quand je suis venue les voir pour leur dire que je voulais vendre des marques brésiliennes en France, ils m'ont pris pour une folle furieuse.Il y a trop de concurrence en France. Et c'est vrai que leur positionnement n'est pas simple. C'est pas du textile chinois, ils ont une main d’œuvre beaucoup plus cher et en même temps ils n'ont pas la notoriété des marques françaises ou italiennes. Et donc ils n'y croient pas. Ils exportaient un peu au Portugal et avant la crise il y avait quelques marques qui comptaient s'implanter en France, comme Cantao. Et puis avec la crise, ils ont tout arrêter. Les brésiliens exportent beaucoup aux USA, les maillots de bain Salinas et Vix marchent très bien là bas.
Quels sont vos projets à moyen et à long terme?
Le bar à ongle marche bien, je suis contente. Aujourd'hui, les projets se concentrent sur la création du « lounge », au dessus de la boutique de la rue Grignan, qui est récente. Espace dans lequel on va proposer un plus large choix de soins esthétiques comme des soins complets de la peau, des épilations. Et l'étape d'après, ce sur quoi je compte beaucoup, c'est le capillaire. Les produits capillaires au Brésil sont extraordinaires et on voudrait proposer, pas de la coiffure mais des soins capillaires hydratant adaptés à chaque type de cheveux. Je crois beaucoup en cette nouvelle offre.
Merci Corinne.
Doce de Limão: 56 rue Grignan, Marseille 1er, http://www.docedelimao.com/
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